BIENVENUE A eBAY LAND
En 1997, Jacques Attali comparait Internet à un «7ème continent» (1). En 2002, après les revers de la nouvelle économie il persistait : «L'Amérique a aussi été le théâtre de faillites, de crises, de déceptions, d'escroquerie. Cela ne l'a pas empêché d'être le continent de toutes les promesses et des plus fabuleuses réussites. Il en ira de même sur Internet.» (2) Utopique ? Non, et l’année 2005 marque à n’en pas douter la réalisation de cette prophétie. Ce nouveau continent, sorti de l'eau il y a peine 10 ans, se peuple sous nos yeux à (très) grande vitesse. Les (e)commerçants furent les premiers à coloniser ces nouveau territoires en y installant leurs boutiques (en ligne). De manière irréversible, ce «nouveau monde» prend le pas sur l’ancien. En 2005, la place de marché (sur Internet) eBay est devenu le premier employeur des Etats-Unis ! Au 21 juillet de cette année, 724 000 personnes (3) déclaraient utiliser eBay comme première ou seconde source de revenus. Ce nombre passe à 1 500 000 si l’on compte ceux qui utilisent eBay comme source complémentaire. C’est à comparer 1 100 000 millions d’employés de la chaîne de magasin Walmart qui est (était ?) le premier employeur du pays.
Aujourd’hui, eBay possède sa propre banque en ligne : PayPal. Fin 2005 cette banque annonçait 78 millions de comptes ouverts. Cette même année, PayPal ouvrait 86 000 comptes par jour ! Au dessus du guichet était inscrit «Bienvenue à eBay Land» 😉 Chaque trimestre, les clients de PayPal échangent 6,8 milliards de dollars. eBay propose à ses «habitants» un système de santé sous la forme d’une mutuelle privée. En poussant la «métaphore» un plus loin, suite au rachat de Skype, eBays a sa propre compagnie de téléphone (sur internet)… qui revendique à ce jour plus 40 millions «d'usagés», après moins de 2 ans d’existence ! Au final, eBay s’apparente presque un état (virtuel) concurrent des états «physiques» : Skype, en proposant de téléphoner gratuitement dans le monde entier, leur retire d’ailleurs une recette importante, perçue sur les communications. Le sénat Américain s’interroge bien sûr sur l’opportunité de taxer cette téléphonie moderne. Mais, à ce jour, il n'a toujours pas trouvé la faille (car malheureusement techniquement impossible). Plus délicat encore, un voisin au chômage me confiait il y a quelques mois de cela qu’en plus de ses Assedic il faisait un peu d'argent «au noir» en vendant des instruments de musique sur eBay. Sans en déduire que cette habitude est généralisée sinon généralisable, on peut simplement se souvenir que le «vide grenier» (qu'a transposé eBay sur le net) a toujours été, du point de vu des rentrées fiscales, une activité «à risques» pour les Etats : depuis que les commerçants utilisent Internet, on peut supposer qu’une (grande) partie des transactions échappent aux taxes.
eBay procédant à des échanges physique de matière, il serait pourtant, en toute logique, facile d’imaginer que les Etats soient en mesure de lui demander des comptes (d'autant que la société est coté en bourse). A ceci près que les activités «dématérialisées», et qui n’ont donc à ce titre plus de lien avec un lieu géographique, se démultiplient. Exemple parmi d’autres : les Casinos virtuels. Selon une étude du cabinet spécialisé Christiansen Capital, il apparaît ainsi que les revenus issus des jeux en ligne dans le monde devraient tripler d'ici cinq ans, passant de 8,2 milliards de dollars en 2004 à 24,5 milliards de dollars en 2010 (4). Or, les revenus de cette industrie échappent, une nouvelle fois, en grande partie aux Etats, la plupart de ces sociétés ayant installé leur siège social dans un paradis fiscal (5)… Internet et eBay seraient-ils alors en compétition avec (contre?) les Etats «historiques» ? Les citoyens, les commerçants qui ne trouvent plus de travail en Europe ou aux USA ne se posent déjà plus la question et «(e)migrent». Comme leurs ancêtres, ils rêvent d'Amérique et quittent la terre ferme pour coloniser ces nouveaux territoires numériques. Et à moins «d’éteindre» Internet, il n’est déjà plus possible de les en empêcher…
Laurent Bervas est entrepreneur dans le secteur des nouvelles technologies
(1) Jacques Attali en 1997 dans un article publié dans le monde.
(2) Source journal du net février 2002
(3) En augmentation de 48% sur un an.
(4) source : journal du net
(5) La société Partygaming coté à la bourse de Londres a délocalisé son siège à Gibraltar pour échaper au fisc américain.
06:30 Publié dans PROSPECTIVE , RELATIONS TRANSATLANTIQUES , SOCIETE | Lien permanent | Envoyer cette note