Je me souviens d'elle.
Il y a presque dix ans, lors de ma première visite au Maroc, nous étions pilotés par un guide dans les méandres du souk de Marrakech.
Elle nous suivait pas à pas, le visage à peine dissimulé par un voile, qui laissait voir des yeux malicieux et une amorce de sourire un tantinet ironique.
A force de quémander, elle s'était vu rabrouer par le guide, mais elle en avait vu d'autres et continua obstinément à demander l'aumône d'une pièce, non sans avoir gratifié le guide de quelques propos dont je ne compris pas le sens, mais dont le ton était peu amène.
Elle était un peu en retrait du groupe et j'observais son manège. Elle le savait et n'en avait cure.
Je lui donnais un petit billet, rien pour moi, beaucoup pour elle.
Quelques jours plus tard, de nouveau dans le souk, mais cette fois seul.
Une main se pose sur mon épaule. Je me retourne et suis gratifié d'une embrasse mémorable.
C'était elle qui m'avait reconnu au milieu des troupeaux de touristes dont je faisais partie.
Je ne lui ai pas donné d'argent mais une énorme bise, et nous nous sommes séparés, heureux tous les deux.
Enfin je l'espère pour elle.
