Je me souviens que le marché se tenait tous les mercredis.
Il occupait chaque côté de la Vézère, que le vieux pont reliait en offrant lui-même un espace supplémentaire pour les étalages divers.
Les vieux cars cacochymes et brinqueballants libéraient leurs occupants sur le foirail, où quelques bestiaux étaient attachés à des anneaux de fer scellés dans des bornes en pierre alignées comme à la parade.
Les hommes avaient mis leur bérêt de sortie : celui qu'aucune toile d'araignée ou aucune barbe de seigle échappées d'un vieil appentis ne venaient décorer.
Les femmes avaient repassé pour l'occasion leur plus beau tablier, uniformément noirs ou bleu-marine, que seules quelques petites fleurs blanches venaient égayer.
Le déchargement des autobus était une affaire délicate : gorets entravés, cages de poulets à engraisser, en saison canards ou oies à gaver...
Les colporteurs proposaient leurs produits de vannerie, leurs fourches ou râteaux à dents de bois, leurs lames de faux et autres bottes de ficelle en chanvre.
Le vieux pont était le passage obligé entre les deux rives et les places de choix se trouvaient sur les avancées tournées vers l'amont des pîles du pont.
Les vieilles s'y regroupaient par affinités et passaient plus de temps à commenter en patois les dernières nouvelles qu'à s'intéresser au chaland.
Assises sur un tabouret pliant ou sur une caisse en bois, elles avaient disposé leur besogne devant elles : légumes frais cueillis, motte de beurre fermier où perlaient encore quelques gouttes de petit lait, cochons d'Inde, pintades, poules parisiennes...
Elles suspendaient parfois leurs discussion pour relever leurs jupons et répondre aux cancans des canetons jaunes et noirs qu'elles y avaient places à l'abri du soleil.
